Mars 1897
N° 12
Séance du 1er Mars 1897
Le procès-verbal du 27 Février est lu et adopté.
Le Commandant du « Barfleur » ayant posé la question suivante :
Faut-il laisser le « Mikale » débarquer à Platanias les objets et le personnel que les Grecs déclarent appartenir à la société de la Croix-Rouge d'Athènes ?
Les Amiraux décident que le nombre des colis est exagéré, qu'il n'y a pas lieu de laisser les troupes grecques s'approvisionner, qu’il faut cependant faire une concession à une société philanthropique, qu'on laissera débarquer les 9 individus qui se présentent comme délégués de la société de la Croix-Rouge quand ils auront donné leur parole qu'ils font partie de cette société, qu'on ne laissera débarquer qu'un cinquième du matériel apporté, sauf le biscuit qui ne sera pas mis à terre.

Le Barfleur
L'escadrille qui doit relever, le 2 Mars, celle qui fait actuellement le service devant La Canée, sera composée, de : « Barfleur », « Camperdown » (anglais), « Nicolas 1er » (russe), « Stromboli » (italien) et
« Troude » (français) et du croiseur russe « Posadnik ».
Le « Barfleur », que l'Amiral anglais laisse à La Canée conservera le commandement supérieur et les communications seront assurées, entre
La Sude et La Canée, par un destroyer anglais.
Les Consuls ont informé l'Amiral Canevaro que les prisonniers (grecs et musulmans) enfermés à La Canée pour délit de droit commun, sont également traités, mais que les familles sont autorisées à améliorer l'ordinaire des leurs. Il se trouve que les Grecs n'ayant pas de famille à La Canée, en sont réduits à l'ordinaire de la prison, mais il n'y a rien à faire de ce côté.
Les insurgés des environs de La Sude tirent par instants sur l'arsenal ; l'Amiral anglais a failli être victime de cette fusillade.
Les Amiraux autorisent les bâtiments turcs, au mouillage de La Sude, à tenir en respect les insurgés en dirigeant, de temps en temps, un coup de canon sur leurs positions.
Le Colonel Vassos a fait savoir, par le Commodore De Reineck, qu'il avait envoyé un officier pour engager les Chrétiens des environs de Selino-Castelli à laisser regagner la côte aux Musulmans bloqués par eux. Le Colonel Vassos ne répond pas du succès de cette demande que lui ont demandée les Amiraux.
Les bâtiments mouillés devant Selino n’ayant rien fait savoir au Vice-Amiral, il y a lieu de croire qu'il ne se passe encore rien d’inquiétant de ce côté.
L'Amiral Canevaro a reçu deux dépêches de Candie, demandant des secours pour des Musulmans encore bloqués à Hierapetra et qui seraient menacés d'un bombardement par les insurgés ; il croit que la présence du cuirassé italien « Lauria » empêchera le bombardement et que, au besoin, ce navire recueillera les bloqués, mais, là comme ailleurs, il faut songer au manque de provisions et la famine est imminente.
Le moment est venu de penser aux moyens de ravitailler l'île ; les deux partis seront bientôt exposés à mourir de faim sur tous les points. Les Amiraux pensent qu'il faut s'adresser au Gouvernement et l'inviter à prendre des mesures pour que des vivres soient apportés, en toute hâte, sur les différents points de l’île, dès qu'il en recevra la demande. Si le Gouverneur ne voit pas de moyen de faire ces préparatifs, les Amiraux lui proposeront de faire faire la demande au Sultan par leurs ambassadeurs à Constantinople.
À bord du « Sicilia », à La Sude, le 1er Mars 1897
Le Capitaine de Vaisseau allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral autrichien signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 13
Séance du 2 Mars 1897
Dans l'après-midi du 1er mars, les Amiraux ont reçu de leurs Consuls à La Canée, des dépêches alarmantes et à peu près identiques, les informant que les troupes grecques ont pris possession, après bombardements de la position de et que les Musulmans bloqués par les insurgés aux environs de Selino courent les plus grands dangers.
Cette nouvelle a été apportée à La Canée par deux notables musulmans qui ont pu s’échapper. Les Amiraux se sont immédiatement entendus verbalement et ont décidé de prendre sous leur protection les villes de Selino et de Hierapetra, dans les mêmes conditions que déjà les villes du Nord de l'île.
L'Amiral français a, en conséquence, chargé le Commandant du « Suchet », Commandant Supérieur à Sitia, d'en faire informer le Commandant du « Lauria » à Hierapetra et de lui envoyer un de ses navires si c'est possible.
L'Amiral Canevaro a reçu avis le 2 Mars dès le matin, que « l’Etna » a fait route pour Hierapetra en exécution de cet ordre.

LEtna dans la rade de La Canée
D'un autre côté, à défaut de communication plus rapide avec Selino, l'Amiral Canevaro a expédié dans la soirée du 1er mars, le « Vesuvio », pour porter la même information au Commandant Supérieur devant Selino qui est le Capitaine de vaisseau austro-hongrois commandant « l’Archiduchesse Stéphanie ». Le « Vesuvio » a reçu l'ordre de se placer sous le commandement de cet officier supérieur auquel il porte les instructions de l'Amiral austro-hongrois.
Dans ces instructions rédigées au nom de tous les Amiraux, il est prescrit au Commandant de faire tous les efforts possibles pour sauver les Musulmans bloqués aux environs de Selino.
L'entente verbale d'hier est confirmée aujourd'hui par écrit à bord du « Stromboli ».
Le Stromboli
La possibilité de massacres à Selino a fait craindre en effet que des troubles ne se produisent à La Canée, et les Amiraux, mis en éveil par une lettre du Major Bor à l'Amiral Harris, ont pris la détermination de se rendre par le « Stromboli » à La Canée, où ils arrivent à 10 heures du matin.
Ils reçoivent là, la visite du Commandant d'armes, le Capitaine de vaisseau Amoretti, du Consul d'Italie, du Major Bor et du Commandant du « Re Umberto », ce dernier qui était en croisière la veille devant La Canée leur apprend que le Commodore grec de « l’Hydra » a eu l’intention d'envoyer un chef insurgé aux environs de Selino pour engager ses coreligionnaires à laisser descendre sur cette ville les Musulmans bloqués, mais que, apprenant que les Puissances avaient pris Selino et Hierapetra sous leur protection, il avait renoncé à son projet.
Les Amiraux s'en étonnent et lui expédient par un officier italien un message dans lequel ils demandent la confirmation de cette incroyable décision à laquelle ils ne veulent ajouter foi : Si le Commodore de Reineck a renoncé à son projet humanitaire nous lui demandons des explications ajoutent-t-ils.
La réponse doit être apportée par l'officier italien.
A 12h30, tous les Amiraux sont réunis sur le pont du « Stromboli ». En même temps qu’eux, les cinq Consuls (celui d'Autriche-Hongrie étant en même temps Consul d’Allemagne), deux notables de Selino, un de Voukolies, plusieurs Beys et le Maire de La Canée. Le major Bor est aussi présent, ainsi que le Gouverneur intérimaire Ismaïl Bey, qui parle parfaitement le français.
L'Amiral Canevaro tient le langage suivant et ne s'interrompt que pour permettre à Ismaïl de traduire ses paroles auxquels il est invariablement répondu : Merci beaucoup.
Je n'étais nullement préparé à vous parler. Je ne suis que le porte-voix des autres Amiraux. Je parle au nom de tous, je vous affirme que notre but est absolument pacifique que nous vous protégerons tous, Musulmans et Chrétiens, et je vous supplie, dans l'intérêt de la Crète, de croire à nos promesses. Je ne crois pas utile de vous en dire davantage ; toutes les villes du littoral sont protégées par les Puissances et la situation s'est améliorée partout.
À Hierapetra et à Selino, pourtant il reste des Musulmans bloqués par les insurgés. Faites leur savoir que nous venons de prendre Hierapetra et Selino-Castelli sous notre protection comme nous avions pris les autres villes, que nous y avons des navires, que nous voulons sauver tous les Musulmans bloqués, et que nous avons envoyé un officier dire au Commodore De Reineck et au Colonel Vassos que si de nouveaux massacres se produisaient, ils encourraient une grande responsabilité.
Nous ne pouvons faire davantage, nos navires ne peuvent aller plus loin, mais, ayez patience, nous réussirons.
Si cependant, contre nos espérances, de mauvaises nouvelles arrivaient à La Canée, n’y ajoutez foi qu'après vérification et en tous cas restez calmes, rappelez-vous que les pavillons des six nations vous protègent et que si vous attaquiez les Chrétiens, ceux-ci useraient de représailles et que nous, venus ici pour vous protéger les uns et les autres, nous serions obligés de vous massacrer tous.
Venus ici pour faire le bien, nous ne voulons pas changer de rôle.
Ismaïl Bey, qui a plusieurs fois interrompu l'Amiral pour le remercier, le remercie une fois de plus et demande à ce que les pavillons des nations soient plantés sur tous les points déclarés protégés.
Les Amiraux répondent par l'organe de leur président, qu'il est impossible de planter le pavillon là où on n'a pas de troupes pour le protéger et que le nombre des marins ne permet pas d'en mettre partout, d'ailleurs du côté de Sitia, de Rethymno et de Candie, il ne semble plus y avoir de danger.
Le Gouverneur réplique : Nous n'oublierons jamais de notre vie, les efforts que font pour nous les Puissances et nous en remercions les Amiraux.
Avant de lever la séance, l'Amiral Canevaro explique un incident qui s'est passé la nuit précédente et qui ne devra plus se renouveler.
Une patrouille italienne a arrêté des femmes turques qui paraissaient vouloir forcer une porte et se livrer peut-être au vol ; renseignements pris, il se trouve que pendant les fêtes du Ramadan les femmes se font visite la nuit et que celles-là rentraient chez elles.
Il serait bon, dit l'Amiral à Ismaïl, que dans l'état où se trouve la ville de La Canée, on suspendît une coutume qui peut avoir des inconvénients ; du reste, les marins ne manqueront de respect à personne et ceux qui oublieraient cette consigne seraient sévèrement punis. L'Amiral ajoute enfin, d'accord avec le Gouverneur Ismaïl, les Consuls et le Major Bor, chef de la gendarmerie, que si des individus paraissent capables d'exciter leurs coreligionnaires au désordre, il y aura lieu de s'en débarrasser en les arrêtant et en les faisant conduire sur les navires, où ils seront traités convenablement mais où ils seront empêchés de provoquer des troubles.
Les Amiraux approuvent sans exception, les paroles prononcées en leur nom par l'Amiral Canevaro.
N° 14 A
1° L'Amiral Canevaro informe ses collègues que le capitaine Ruggieri, qui est allé, la veille, demander des explications au Commodore De Reineck a rapporté la réponse suivante :
Je déclare n'avoir embarqué sur « l’Hydra » aucun chef insurgé dans le but de l'envoyer à Selino traiter la question relative aux assiégés. Je n'ai eu à mon bord que le Vice-Consul de Grèce à La Canée, qui s'y trouve encore. De ce qui précède, il ne résulte nullement que nous ayons renoncé à faire le bien dans la mesure de notre possible, mais, d'autre part, nous voyant liés par des difficultés imprévues dans nos mouvements les plus insignifiants, et prenant en considération la note d'hier que Messieurs les Amiraux ont bien voulu nous communiquer, qui me rend responsable d'actes auxquels je suis étranger, et qui se passent en dehors de mon pouvoir, je suis décidé à m'abstenir désormais de tout acte qui pourrait être interprété d'une autre façon que nous le concevons.
Cette réponse n'est pas signée.

L'Hydra
Le capitaine Ruggieri croit que le Commodore grec aurait volontiers fait la démarche demandée, en compagnie du vice-Consul de Grèce et de notables musulmans de La Canée, à l'effet de faire croire aux Musulmans que les Puissances le considèrent comme une autorité officielle en Crète.
2° L'Amiral Canevaro a reçu le rapport du Commandant Amoretti, Commandant militaire à La Canée, relatif à l'arrestation de gendarmes albanais au service de la Porte, qui s'étaient mutinés.
Le Major Bor qui avait reçu le jour même des Amiraux l'autorisation d'emprisonner les fauteurs de troubles, avait réuni les 39 gendarmes qui réclament le paiement de 16 mois de solde arriérés et refusent le service. Il avait eu soin de demander le concours de la garnison internationale pour lui prêter main-forte en cas de besoin.
Lorsque le Major Bor et le Colonel de gendarmerie turque se sont présentés et ont fait aux mutins l'invitation de se désarmer, ils ont essuyé une fusillade qui a coûté la vie au Colonel Soliman-Bey. Les deux premiers pelotons de marins étrangers qui se sont trouvés être des Italiens et des Russes sont accourus sur un signe du Major Bor et ont fait usage de leurs armes contre les révoltés. Ceux-ci ont cessé le feu, mais un marin italien avait eu la main traversée par une de leurs balles.
Du côté des gendarmes, il y a eu six blessés, dont deux grièvement, et les six ont été mis à l'hôpital militaire turc.
Les 33 autres ont été emprisonnés, les trois plus dangereux (dont celui qui a tué le Colonel) à bord du « Barfleur », les 30 derniers à la prison de La Canée.
D'après les différents rapports parvenus à chacun d'eux et qu’ils se communiquent, les Amiraux approuvent la ferme attitude du Commandant Amoretti, du Major Bor et de ceux qui les ont aidés à accomplir leur devoir.
Révolte des gendarmes albanais qui tuent leur colonel.
Révolte des gendarmes albanais. Les hommes du Major Bor interviennent.
3° Le Commandant militaire turc à La Canée, pour faciliter le retour à Selino des Musulmans boqués aux environs de Kandamos, parmi lesquels sont 246 réguliers turcs, a écrit à leur Commandant qu’il l'autorisait à quitter son poste avec tous les Musulmans bloqués, si les Chrétiens veulent le laisser passer. L'Amiral anglais fait connaître que cette lettre a été portée à Selino par la « Dryad », partie à minuit.
4° L'Amiral russe a reçu de son Ambassadeur à Athènes, une dépêche le priant, au nom de la Reine de Grèce, d'intercéder auprès de ses collègues pour qu'on laisse embarquer sur le « Mikale », les blessés grecs.
Quand cette demande est arrivée à la connaissance des Amiraux, l'Amiral Harris avait déjà, en leur nom, donné l'ordre au Commandant du « Barfleur » de ne pas s'opposer à cet embarquement. Le désir exprimé par la Reine avait déjà reçu satisfaction.
N° 14 B
Séance du 3 Mars 1897 (2h30 du soir)
1° Le Gouverneur intérimaire de la Crète ayant demandé l'autorisation de se débarrasser des 33 gendarmes mutinés arrêtés la veille, il est décidé que le croiseur italien « Montebello » les portera à Smyrne avec une lettre du Gouverneur au Vali de Smyrne, priant ce dernier de les faire incarcérer.
2° L'Amiral Canevaro lit plusieurs lettres du Commodore De Reineck qui lui ont été adressées ou à l'Amiral Harris, par l'intermédiaire du Commandant du « Barfleur ». Le sens de ces lettres est toujours le même :
Le Commodore grec prétend que les Amiraux lui dressent des obstacles qui l'empêchent de continuer l'œuvre philanthropique qu’il aurait voulu entreprendre, il ajoute que de nouveaux ordres, reçus de son Gouvernement, lui permettraient de commencer, mais que les difficultés sont telles qu'il ne veut plus essayer de sauver les Turcs de Selino.
Il ne se dégage de ces lettres que l'ardent désir de communiquer librement avec le Colonel Vassos, et celui, aussi, de tromper l'opinion en se prétendant victime de difficultés créées par les représentants des Puissances.
Les Amiraux, qui ont en toutes circonstances fait leurs efforts pour délivrer Chrétiens ou Musulmans bloqués par leurs ennemis, ne peuvent pas comprendre que le fait d'avoir demandé au Commodore grec de faire des démarches auprès du Colonel Vassos pour que ce dernier protège, si possible, la fuite des Musulmans bloqués à Kandamos (près de Selino) puisse être présenté comme une difficulté créée par eux.
Comme il est à craindre que l'opinion publique en Europe, ne soient faussée par des renseignements écrits de mauvaise foi, les Amiraux conviennent d'envoyer à leurs six Gouvernements une dépêche identique pour affirmer de nouveau leur parfaite entente, et faciliter peut-être par ce moyen la solution d'une question qui ne peut que s'embrouiller davantage – si elle n'est pas bientôt réglée –.
Cette dépêche, qui suit, est envoyée en français et en clair par plusieurs des Amiraux étrangers.
3° Le Commodore grec a aussi fait parvenir aux Amiraux une déclaration des insurgés d'Akrotiri, en réponse à la proclamation qui leur a été remise et à la proposition qui leur a été faite de rentrer dans leur province d’Armyro Bay dans les mêmes conditions (sans armes ou avec armes) que les Musulmans de Kandamos rallieront Selino.
Cette déclaration est rédigée dans le même esprit que les lettres du Commodore De Reineck, plaintes contre les Amiraux, accusations de parti pris de ces derniers, contre eux et en faveur des Turcs, promesse formelle de ne faire aucune concession tant que la Crète ne sera pas donnée à la Grèce.
Elle se termine par l'affirmation suivante : la solution de la question crétoise, c'est la réunion de la Crète à la Grèce, nous n'en voulons pas d'autre et votre intervention ne fait que la retarder.
N° 15 A
Séance du 4 Mars 1897 (9h30 du matin)
1° Les Amiraux s'entendent sur la dépêche identique qu'ils ont convenu la veille d'envoyer à leurs Gouvernements ; le texte de cette dépêche est le suivant :
Les Amiraux, à la lecture des lettres qui leur sont envoyées par le Commodore grec et d'après nouvelles reçues d’Europe, pensent que l'on essaie égarer opinion publique et surtout à Athènes, en les représentant comme protégeant les Turcs contre les Grecs. Ils espèrent que cette dépêche identique fixera opinion publique. Ils déclarent avoir toujours agi pour éviter effusion de sang, sans favoriser Turcs plus que insurgés. Ils veulent surtout faire savoir que toutes leurs décisions ont été prises à l'unanimité et ils espèrent que leur entente parfaite permettra à leurs Gouvernements de bien fixer l'opinion
2° L'Amiral austro-hongrois a reçu du Commandant Supérieur devant Selino l’avis qu'on ne reçoit aucune réponse des insurgés qui bloquent les Musulmans à Kandamos, quoiqu'on ait envoyé un Chrétien prisonnier pour leur demander de les laisser entrer à Selino. Le Commandant de la « Stéphanie » dit aussi qu'il serait dangereux d'envoyer un Officier européen renouveler la demande des Amiraux et que pour cette raison il a renoncé à envoyer un interprète du Consulat italien, embarqué, sur le « Bausan », qui se proposait pour remplir cette mission. D'après cet officier supérieur, les Musulmans du village de Selino prétendent qu'on ne délivrera leur coreligionnaires à Kandamos qu'en envoyant une colonne de marins.
Comme, d'autre part, d'après le Consul de France, le Vice-Consul de Grèce prétend qu'il ne peut remplir la mission que le Roi lui a donnée, de faire ses efforts pour éviter le massacre des Musulmans de Kandamos, à cause des obstacles dressés par les Amiraux, ceux-ci , pour bien montrer la mauvaise foi du Vice-Consul de Grèce décident qu’on lui proposera de le conduire à Selino avec un des navires de la flotte internationale et, pour éviter tout retard, on adresse immédiatement au Commandant Amoretti, à La Canée, la dépêche suivante :
Faites savoir au Vice-Consul grec que les Amiraux le prient de se rendre aussitôt possible à Selino sur le navire russe « Posadnik », pour aller parlementer avec insurgés et demander délivrance Musulmans.
Il aura toute facilité par les Commandants des navires qui sont à Selino pour se rendre à Kandamos avec pavillon grec et pavillon parlementaire, et il est autorisé à dire aux insurgés qu’on prendra leurs blessés pour les transporter où ils voudront, et qu'on leur donnera quelques vivres et médicaments pour distribuer aux insurgés. Donnez une copie de cette dépêche au Vice-Consul grec et une au Commandant du « Posadnik » qu'il communiquera au Commandant « Stéphanie ».
Signé Canevaro
Les Amiraux pensent que si le Vice-Consul grec n'accepte pas, il sera pris en flagrant délit de mauvaise foi.
3° La séance se termine par la lecture, par l'Amiral Harris, du rapport du Colonel Bor (sic) à propos de l'arrestation des gendarmes turcs révoltés à La Canée. Ce rapport confirme les faits venus la veille à la connaissance des Amiraux. Ils expriment de nouveau leur satisfaction au Colonel Bor, à tous les soldats ou marins des nations, qui ont bien accompli leur devoir et exécuté les ordres donnés par eux, après un accord complet.
La Sude, le 4 Mars 1897
Le Capitaine de Vaisseau allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral autrichien signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 15 B
Séance du 4 Mars 1897 (2 h du soir)
1° L'Amiral Canevaro donne lecture d'une lettre qu'il a reçue du capitaine de vaisseau Sackturis, de la marine grecque, l'informant qu'il a pris le commandement de l'escadre hellénique, en remplacement du Commodore De Reineck, et le priant d'en informer les Amiraux.
Le Consul de France, ayant fait savoir à son Amiral que le Commodore De Reineck était remplacé parce qu'il avait montré trop peu d’énergie, et qu'on le faisait rentrer à Poros, et non au Pirée pour éviter des manifestations hostiles, les Amiraux croient voir, là, l'intention bien manifeste de la Grèce, de continuer la lutte en Crète.
2° Le docteur grec Balanos, délégué de la Croix-Rouge, a demandé l'autorisation d'être mis à terre, à Platanias, avec le Vice-Consul de Grèce, ou même seul, si l'autorisation est refusée à ce dernier. Son but est de rester, trois heures au plus, au près des malades, et de procéder à l'embarquement des blessés sur le « Mikale ». Il donne sa parole d'honneur de ne se livrer à aucune opération interdite par les Amiraux.
Déjà le Commandant du « Barfleur » qui a le commandement supérieur devant La Canée, a reçu et exécuté l'ordre de ne s'opposer à aucune opération de la Croix-Rouge et de favoriser, au contraire, tout ce qui se rapporte aux soins donnés aux blessés ; cet ordre va lui être donné de nouveau par le Contre-Amiral Harris au nom de ses collègues, et une fois pour toutes.
À La Sude, le 4 Mars 1897
Le Capitaine de Vaisseau allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral autrichien signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 16
Séance du 5 Mars 1897
Dans une séance précédente, les Amiraux avaient décidé d'appeler l'attention du Gouverneur sur la nécessité de tenir des vivres prêts pour ravitailler l'île menacée de famine.
L'Amiral Canevaro communique la réponse du Gouverneur, annonçant que le Sultan a fait envoyer de Smyrne, 2.500 sacs de farine qui ont déjà été distribués et qu’il vient de lui adresser une nouvelle demande.
Le capitaine de vaisseau Amoretti, Commandant d'armes à La Canée, a télégraphié à son Amiral ce qui suit :
J'ai communiqué votre télégramme d’hier au Vice-Consul de Grèce et au Commandant du « Posadnick » et ce dernier m'a fait savoir que le Vice-Consul n'était pas encore parti et avait signifié au Commandant du « Barfleur » qu’il ne voulait pas aller à Selino autrement qu'avec un navire grec, et après avoir communiqué avec le Colonel Vassos.
L'Amiral Canevaro pose à ses collègues la question :
Devons-nous encore faire cette concession, pour bien montrer notre désir de délivrer les Musulmans et d'éviter des massacres ?
Les Amiraux répondent à l’unanimité :
Non, nous avons fait assez de concessions ; après celle-là, on nous en demanderait une autre, pour gagner encore du temps ; nous n'avons plus aucun doute sur la mauvaise foi du Vice-Consul.
D'ailleurs, l'Amiral Canevaro lit, en même temps, la réponse qui est enfin arrivée au Commandant austro-hongrois du croiseur « Stéphanie ». Cette réponse est celle des insurgés qui bloquent les Musulmans de Kandamos et auxquels on avait adressé, par un Chrétien, un appel à leurs sentiments humanitaires ; elle dit en substance : Nous ne pouvons accepter vos conditions, parce que, ainsi que l’a déclaré le Colonels Vassos, notre patrie appartient à la Grèce et c'est avec le Colonel qu'il faut traiter.
Or, comme, de son côté, le Colonel déclare n'avoir rien à commander aux insurgés, il est bien évident que la responsabilité des événements lui incombe en partie, sinon tout entière ; mais les Amiraux ne peuvent faire davantage.
Devant cette impossibilité de faire plus sans un déploiement de force, les Amiraux ont décidé la veille, la mise à terre d'un corps de débarquement international de 500 hommes, qui sera débarqué à Selino pour aller à Kandamos, essayer de débloquer les Musulmans et les ramener à Selino. Les navires portants ce corps sont partis dans la nuit du 4 au 5 pour Selino.
Ces deux questions traitées, les Amiraux arrêtent les termes des propositions identiques que chacun d'eux devra faire immédiatement à son Gouvernement par télégramme chiffré. Ce télégramme est le suivant :
Propositions Amiraux après accord complet :
1° Blocus Pirée et ports principaux grecs ;
2° Blocus île de Crète ;
3° Ces déclarations blocus seront faites par les Gouvernements ;
4° Tout navire grec rencontré à la mer sera escorté à Milo, où il restera bloqué ;
5° Tout acte hostilité commis par navire grec contre un navire des six Puissances sera considéré comme déclaration de guerre à ces six Puissances ;
6° Tout torpilleur grec venu à portée d'un navire des Puissances sera repoussé par le canon.
En cas de nécessité les Amiraux voudraient être autorisés à prendre possession du télégraphe de Syra. Le blocus devant avoir pour conséquence de diminuer nombre navires employés à protection villes littoral, les Amiraux demandent que chaque Puissance tienne prêt un bataillon de 600 hommes pour concourir à cette protection.
À la fin de la séance, les Amiraux reçoivent une lettre du Commodore Sackturis, les informant qu'en cas de mauvais temps il viendra se réfugier dans la baie de La Sude (à l’extérieur), si ces bâtiments ne peuvent rester sans danger au mouillage de La Canée. Le Commodore Sackturis prend prétexte de la lettre des Amiraux du 26 Février, mais cette lettre ne vise que le cas de force majeure, et les Amiraux pensent que le véritable refuge de la flotte grecque quand les bâtiments sont en état, doit être une des rades grecques de Milo ou de Syra, ou toute autre.
Selon eux, leur lettre du 26 Février n’autorise la flotte grecque à venir à La Sude que pour parlementer avec les Amiraux, ou s'il y a impossibilité pour les navires à aller mouiller ailleurs. Dans les deux cas, les navires grecs doivent arborer le pavillon de parlementaire.
À bord du « Revenge », à La Sude, le 5 Mars 1897
Le Capitaine de Vaisseau allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral autrichien signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 17 A
Séance du 6 Mars 1897 (matin)
À bord du « Kaizerin Augusta » à La Sude

Le Kaizerin Augusta
Les Amiraux, ayant appris le départ du Pirée, par le navire de guerre « Miaoulis » et un vapeur, de 250 soldats qui sont soupçonnés devoir débarquer en Crète, on a immédiatement assuré la surveillance de tout le Nord de l'île par une croisière, dont ont été chargés, dans la nuit du 5 au 6, le « Scylla » devant la baie de Kissamos, le « Troude » devant La Canée, le « Fearless » entre La Sude et Rethymno ; et les Commandants Supérieurs, à partir de Rethymno, ont été invités à surveiller le reste de la côte, chacun à l'Est de son point de stationnement.
Le Miaoulis
Les Amiraux conviennent qu'en vue du service que doivent accomplir les navires quand le blocus sera décidé, il y aurait intérêt à demander de suite, à leurs Gouvernements, l'envoi en Crète d'un bataillon de 600 hommes par nation.
D'après une lettre du Gouverneur Ismaïl-Bey, un Musulman, réfugié à Milo aurait été pris comme prisonnier à bord du « Miaoulis » ; le Gouverneur demande aux Puissances de le faire relâcher et de le remettre à terre à
La Canée.
À la première occasion, une démarche sera faite dans ce sens auprès du Commandant Sackturis.
La question se pose de savoir si les agents consulaires de la Grèce peuvent être laissés plus longtemps dans les villes occupées par les forces internationales. Il n'est pas douteux que leur présence est nuisible au rétablissement du calme et que leurs sentiments ne sont pas de nature à faciliter le rôle des Puissances.
Les Amiraux, n'ayant plus le temps d'interroger leurs Gouvernements et de recevoir les réponses, avant l'échéance du délai accordé à la Grèce pour se retirer de la Crète, décident que le jour où le blocus sera déclaré, on invitera les Consuls grecs à se retirer, et qu'on les y forcera au besoin.
Le Capitaine de Vaisseau allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral autrichien signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 17 B
Séance du 6 Mars 1897 (soir)
À bord du « Sicilia »
Le « Re Umberto » est arrivé de Syra avec une lettre de l'Agent consulaire d'Italie, qui est un grec, pour son frère, officier de l'armée grecque, en ce moment en Crète. Les Amiraux, consultés par l'Amiral Canevaro, sont d'avis qu'il n'y a pas à faire parvenir cette lettre à destination, et qu'elle sera renvoyée à son auteur.
Le « Fearless », dans la croisière de la nuit précédente, rend compte qu'il a trouvé des navires grecs mouillés devant Armyro Bey. Ces bâtiments y ont été autorisés pour aller faire de l'eau et les Amiraux, tout en se réservant de les faire surveiller, s’en rapportent, pour l'instant, à la parole donnée par le Commodore De Reineck que les navires ne s'y livreront à aucune opération interdite.
La fin de la séance est consacrée à la discussion relative à la répartition des forces navales en cas d'opérations à effectuer en commun.
Le Capitaine de Vaisseau allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 18
Séance du 7 Mars 1897
Les Amiraux décident que le croiseur allemand « Kaizerin Augusta » étant seul de sa nationalité, son Commandant pourra quitter dans certaines circonstances les Amiraux, pour prendre part à des opérations auxquelles il pourrait être utile de faire participer tous les pavillons.
Malgré les recommandations qui ont été faites aux navires grecs, de ne communiquer avec la terre, dans le golfe de La Canée, que par le port et au moyen d'embarcations portant le pavillon de parlementaire, embarcations qui ne doivent, d’ailleurs, accoster que devant le poste militaire international, il arrive souvent que des canots grecs viennent porter des communications au Vice-Consul de Grèce.
Les Amiraux décident d'envoyer des instructions au Commandant Amoretti pour lui rappeler celles déjà reçues, et lui dire qu'il devra faire savoir au Vice-Consul de Grèce que sa personne et sa maison sont protégées par les Puissances mais à titre privé, c'est-à-dire qu'il n'a aucun caractère officiel et que sa maison, dont les Amiraux ont fait rentrer le pavillon, n'est plus un Consulat.
Dans une lettre adressée à l'Amiral Canevaro par le Commodore Sackturis, ce dernier s'étonne qu'on l’ait engagé à quitter le mouillage extérieur de La Sude, contrairement à l'autorisation que lui avaient donnée les Amiraux.
Ceux-ci s'en réfèrent à leur procès-verbal du 5 Mars et ils estiment qu'il n'y a pas à répondre à cette lettre.
Le Vice-Consul de Grèce vient enfin de faire savoir au Commandant Amoretti que le Colonel Vassos offre ses bons offices pour la délivrance des Musulmans bloqués à Selino, mais il y met certaines conditions, dont celle de faire reconduire ces Musulmans à La Canée où, sous la responsabilité des Puissances, ils prendraient l'engagement de ne pas porter les armes contre les troupes grecques. Les Amiraux supposent que cette proposition du Colonel Vassos provient de la nouvelle qu'il a apprise que les navires avaient débarqué 500 hommes à Selino et comme, d’ailleurs, ils ont l'espoir dans le succès de cette colonne, ils n'ont pour l'instant rien à répondre à cette offre tardive.
À bord du « Sicilia » le 7 Mars 1897
Signature des Amiraux
N° 19
Séance du 8 Mars 1897
Le Commandant du « Rodney » a envoyé de Selino un rapport dont voici le résumé :
Nous avons préparé le débarquement de 570 marins et 4 canons ; les marins sont 220 Anglais, 100 russes, 100 français, 100 austro-hongrois et 50 Italiens ; ils sont commandés par un Capitaine de vaisseau anglais et un Capitaine de frégate français.
Le mauvais temps a retardé leur débarquement mais je n’en ai aucun regret, car ce retard me permettra peut-être de régler la question de Selino sans envoyer notre colonne ; ce serait à désirer parce que les navires ne pourraient protéger sa marche que jusqu'à un mile de Selino, et elle est bien faible pour prétendre ramener à la côte, sans danger, 3.000 Musulmans désarmés entourés par 2.500 insurgés en armes.
J'ai l'espoir de réussir à les sauver pacifiquement, les chefs insurgés se montrant plus accommodants, depuis qu'ils savent que les Puissances favoriseront l'autonomie de la Crète.
On exigera, je pense, l'évacuation par les Turcs de Selino et du blockhouse qui protège la ville, lequel est à 2 miles dans l’intérieur, on me demandera aussi sans doute, le désarmement des Musulmans et la remise de leurs armes aux Chrétiens.
Je voudrais savoir quelle doit être ma ligne de conduite, et aussi, ce que je devrai faire des Musulmans descendus à Selino, si je parviens à les y faire descendre.
Les Amiraux décident que la réponse suivante sera adressée en leur nom au Commandant du « Rodney », par l'Amiral Harris :
Tâchez de faire descendre à Selino les Musulmans bloqués et consentez au besoin à les désarmer et à remettre leurs armes aux Chrétiens. Quand ils seront en sûreté à Selino, vous pourrez faire abandonner le blockhouse qui protège la ville, et laisser, dans le village, sous la protection de nos pavillons, ceux qui voudront y rester.
Les autres seront ramenés à La Canée par les navires turcs que nous pourrons vous envoyer, par le transport italien « Trinacria » qui sera à Selino le 9 à midi et enfin par les navires de guerre qui rentreront à La Canée, car une fois assurée la sécurité des Musulmans, il ne devra plus rester à Selino que le « Scout » et le « Sebanico ».
Les Amiraux se réservent d’ailleurs de répartir tous ces réfugiés, si leur présence à La Canée devait présenter des inconvénients.
L'Amiral austro-hongrois annonce que son Gouvernement vient de donner par télégramme son approbation à la dépêche identique rédigée dans la séance du 5 Mars, et qu'il a reçu l'ordre de s’associer à toute opération qui aurait reçu l'approbation des autres Commandants Supérieurs.
Déjà la veille, le Commandant allemand a déclaré avoir reçu un télégramme semblable.
Dans la séance du 6 mars, les Amiraux avaient décidé d’informer leurs Gouvernements que :
En cas de blocus de la Crète, il faudrait immédiatement envoyer 600 hommes de chaque nation ; ils ajoutent aujourd'hui que, quand même le but le plus désirable serait atteint, (l'autonomie de la Crète), comme il comporte le retrait des troupes turques, il est nécessaire dans tous les cas d'envoyer des troupes européennes, et chacun d’eux va envoyer à son Gouvernement la dépêche suivante :
Dès que Gouvernements se seront mis d'accord, comme ici Amiraux, il y a urgence à envoyer les troupes internationales remplacer les troupes turques.
N° 20
Séance du 9 Mars 1897
Malgré la notification qui a été faite aux insurgés, le 2 Mars, que la ville de Hierapetra était sous la protection des Puissances, des insurgés et des volontaires ou soldats grecs, sous les ordres d’un chef nommé Karokos, ont attaqué la ville, confirmant les craintes exprimées par les Musulmans, craintes auxquelles il a été fait allusion dans la séance du 1er Mars.
Cette attaque de Hierapetra par les Chrétiens peut d'autant plus surprendre qu'elle s'est produite en présence du cuirassé italien « Lauria », portant le même pavillon que « l’Etna », lequel a recueilli tous les Chrétiens de Hierapetra pour les conduire à Syra.

L'Etna
Les Amiraux approuvent la conduite du Commandant du « Lauria » qui a repoussé les insurgés à coups de canon. « L’Etna » et le « Camperdown », sont envoyés en supplément à Hierapetra.
Le Commodore Sackturis communique aux Amiraux la réponse qu'il a reçue du Colonel Vassos, relativement à la communication faite à ce dernier le 1er Mars.
Cette réponse contient une foule d’erreurs, et les Amiraux prennent la détermination de ne pas en tenir compte.
La garde du vapeur grec « Thésée », arrêté le 26 Février, immobilise 10 marins italiens ; on décide que la machine de ce bâtiment sera démontée, comme l’a été déjà celle du « Laurium », et que les marins rentreront à leur bord.
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral d’Autriche-Hongrie signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 21
Séance du 10 Mars 1897
Le Commandant militaire des forces internationales à La Canée a invité le Vice-Consul de Grèce, par ordre des Amiraux, à quitter la ville, où sa présence est une cause d’agitation, et, où, d’ailleurs, il n'a plus de raison d'être, les Grecs ayant eux-mêmes déclaré prendre possession de l’île.
Le Vice-Consul de Grèce s'est embarqué sur un navire grec en protestant.
Il ne sera tenu aucun compte de sa protestation.
Il résulte d'informations puisées à bonne source et qui, pour une fois, sont concordantes, que la fusillade qui a eu lieu sur les crêtes de l'Akrotiri dans la nuit du 8 au 9 Mars et dans la matinée du 9, a été provoquée par une attaque dont la responsabilité incombe à des bachi-bouzouks de Kalepa.

Bachi-bouzouks partant à l'attaque
Ces derniers ont attaqué les insurgés qui leur ont répondu, et sont parvenus à enlever un blockhouse turc.
Les chefs insurgés d’Akrotiri se sont plaints de cette attaque au Commandant du « Barfleur », qui les a invités à rentrer dans leurs positions primitives, ils se sont exécutés de bonne grâce.
Le Général turc Tewfuk-Pacha convient lui-même que les troupes turques n'auraient pas dû prendre le parti des bachi-bouzouks.
En cette occasion, pensent les Amiraux, il y aura lieu d'écrire au Gouverneur Ismaïl, pour lui faire savoir que la participation de troupes turques est désapprouvée et l'inviter à donner des ordres pour que pareil fait ne se renouvelle pas.
De même, les insurgés seront informés que cet avis a été envoyé au Gouverneur, pour leur démontrer que les Amiraux ne soutiennent aucun parti et visent uniquement le rétablissement du calme. En même temps, on préviendra les insurgés que leurs projectiles viennent parfois très près des navires, et que si l'un de ces navires venait à être atteint, il serait dans l’obligation de répondre.
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral d’Autriche-Hongrie signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 22
Séance du 11 Mars 1897
Dans l'après-midi du 10, les Amiraux italien, anglais et français ont eu une entrevue avec les chefs insurgés de l’Akrotiri qu'ils ont envoyé chercher par un parlementaire.
Les insurgés ont déclaré que, s'ils avaient eu connaissance de l'intention toute pacifique des Puissances, ils ne se seraient pas exposés aux quelques obus qui ont été tirés sur leurs positions, dans la soirée du 21 Février ; mais personne, prétendent-ils, ne les avait informés que les Amiraux les invitaient à ne pas avancer vers La Canée.
Les Amiraux ne peuvent ajouter foi à cette affirmation qui est en contradiction avec les engagements pris par le Commodore De Reineck et l'assurance, donnée par lui, que les insurgés avaient promis de ne pas attaquer les premiers.
Quoi qu'il en soit, les insurgés ont affirmé leur confiance dans le résultat qu’obtiendront les Puissances, à savoir : l’autonomie de la Crète ; ils attendront la solution sans jamais provoquer les premiers, mais ils répondront aux attaques, comme ils ont dû le faire dans la nuit du 8 au 9 Mars.
Les Amiraux ont convenu qu'en effet, autant qu'ils ont pu le vérifier, l’agression, cette nuit-là, est venue de bachi-bouzouks que les troupes turques ont eu le tort de soutenir et ils en ont fait l'observation au Gouverneur, qui en tiendra compte.
Les insurgés, quoiqu'ils veuillent bien attendre, dans le statu quo, la solution promise par les Puissances, ne cachent pas qu'ils ne désarmeront qu'après avoir obtenu un régime autre que le régime ottoman ; mais, il ne paraît pas résulter de leurs paroles qu’ils tiennent à l'annexion à la Grèce autant que le prétend le Gouvernement hellénique ; le retrait des troupes turques et un Gouvernement autre que celui actuel serait certainement accepté par eux. L'autonomie, en particulier, les satisfait parfaitement.
En rompant l'entretien, les trois Amiraux ont promis aux insurgés d’envoyer des médecins visiter et soigner leurs blessés, ce qui a été fait ce matin.
Les Amiraux se félicitent que trois d'entre eux aient recueilli ces renseignements et il est convenu qu'une démarche du même genre sera faite auprès des chefs insurgés du Sud de la baie, par les Amiraux austro-hongrois, russe et le Commandant allemand.
Depuis la veille, les Musulmans bloqués à Kandamos ont commencé à rallier La Canée et l'opération a été terminée ce matin. Il résulte des différents rapports qu’ont reçus les Amiraux que la colonne de 570 marins internationaux, au prix d'efforts inouïs, est parvenue à sauver 3.000 personnes, tant celles bloquées à Kandamos que les garnisons de Spaniakos et de Selino. La délivrance a eu lieu sans effusion de sang, et tout le mérite en revient aux officiers et marins des troupes internationales et au Consul Général d’Angleterre, Monsieur Billioti. Les Amiraux adressent leurs félicitations à tous ceux, sans exception, qui ont pris part à la petite expédition de Kandamos.
Ils décident, ensuite, que les garnisons de Kandamos et de Spaniakos doivent être mises à terre, à La Canée, avec leurs armes, attendu que ces armes ne leur ont été enlevées que provisoirement, et pour éviter tout désordre entre Kandamos et Selino.
La séance se termine par la lecture d'une lettre adressée à tous les Amiraux par le Gouverneur, et dans laquelle Ismaïl-Bey envoie des remerciements aux six Puissances, à propos de la délivrance de 3.000 de ses coreligionnaires.
À bord du « Sicilia », à La Sude, le 11 Mars 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral d’Autriche-Hongrie signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 23
Séance du 13 Mars 1897
Les Amiraux sont informés que plusieurs cas de petite vérole se sont produits à La Canée parmi les Musulmans rentrés de Kissamos ? et de Selino.
Le Commandant Amoretti s'entendra avec le Gouverneur pour qu'un hôpital soit établi en dehors de la ville, à l’effet d’y soigner les varioleux.
L'Amiral Harris lit une lettre qu'il a reçue du Commandant du « Rodney » dans laquelle cet officier supérieur rend hommage au dévouement de tous ceux qui ont pris part à l'expédition de Kandamos, et, en particulier, au Capitaine de frégate Adam, second du « Chanzy ». Les Amiraux renouvellent les félicitations qu'ils ont adressées à toutes les troupes dans la séance du 11 Mars.

Sauvetage des Musulmans de Kandamos
Le Gouverneur Ismaïl-Bey accuse réception de la lettre qu'il a reçue des Amiraux, l'invitant à ne pas tolérer que ses troupes prennent parti pour les bachi-bouzouks contre les Chrétiens. Le Gouverneur envoie en même temps le texte de la proclamation qu'il a adressée aux Musulmans, leur rappelant que les deux partis, en présence des forces internationales, doivent rester dans le statu-quo et qu'il fera fusiller ceux de ses soldats qui enfreindront cet ordre.
Quelques bachi-bouzouks, ajoute Ismaïl, ont essayé dans la nuit du 12 au 13, de s'avancer vers l’Akrotiri, mais ils en ont été empêchés par les troupes turques.
Deux Consuls ont demandé à leurs Amiraux qu'on rende les armes aux Seliniotes qui ont été délivrés et ramenés à La Canée.
Les Amiraux sont d'avis que les armes ayant été rendues aux troupes régulières, il n'y a pas lieu, pour l’instant, de rendre celles des irréguliers. La question sera étudiée, mais les armes resteront provisoirement en dépôt à bord du navire qui a amené les Seliniotes.
La plupart de ces Seliniotes ont demandé au Gouverneur à être transportés sur un autre point de la Turquie, et Ismaïl Bey transmet cette demande, en faisant remarquer que l'approbation des Amiraux lui serait fort utile pour obtenir celle du Sultan, qu'il a l'intention de demander.
Les réfugiés arrivent à La Canée
Les Amiraux, sans se dissimuler que le départ des Musulmans fait bien le jeu de la Grèce, dont le but est de les expulser tous, estiment, cependant, qu'on doit accorder cette autorisation à tous les Musulmans qui la solliciteront, mais n'obliger aucun d'eux à abandonner une île sur laquelle se trouve tout leur avoir. L'Amiral Canevaro écrira dans ce sens au Gouverneur, de la part de ses collègues.
On arrête, à nouveau, la répartition des navires autour de l’île, sans que cette répartition modifie celle qui a été convenue pour le cas d'un blocus :
Rethymno « Navarin », « Nymph »
Candie « Trafalgar », « Sebenico »
Spinalonga « Wattignies »
Sitia « Suchet », « Fearless » , « Dryad »
Hierapetra « Etna », « Camperdown »
Selino « Stephanie » , « Eurydice »
La Canée « Barfleur », « Chanzy », « Re Umberto », « Grosiatchy », « Forbin »
Le Suchet
Un des navires de La Canée surveillera la ville de Kissamos, pendant sa croisière ; « l’Etna » sera remplacé à Hierapetra par un autre navire italien et reprendra son poste à Sitia où le « Dryad » n'est que provisoirement.
Les Amiraux austro-hongrois et russe se sont rendus la veille, à une entrevue préparée à l'avance avec les insurgés de la côte Sud de la baie de La Sude. ils étaient accompagnés du Commandant allemand.
Ils ont été reçus par plus d'un millier d'insurgés en armes, plus ou moins surexcités par les nouvelles arrivées de Selino, qu’une quarantaine d'insurgés ont été tués entre Kandamos et Selino.
Dans les gens qu'ils les ont reçus, ils ont vu des officiers grecs et peut-être peu de vrais Crétois. Ils rapportent cette impression que, leur visite étant prévue, on a préparé ce qu'on voulait leur dire et qu'ils n'ont peut-être pas recueilli la pensée très exacte de la population.
Quoiqu'il en soit, il leur a été répondu d’une façon très ferme, à leur promesse d'autonomie pour la Crète :
Nous ne voulons rien d’autre que l’annexion à la Grèce et nous nous ferons tuer jusqu'au dernier pour l’obtenir.
Les Amiraux vont essayer de faire venir à bord quelques chefs crétois pour les interroger en dehors de l'influence des grecs.
À bord du « Sicilia » à La Sude, le 13 Mars 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral d’Autriche-Hongrie signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 24
Séance du 14 Mars 1897
Les Amiraux, ayant reçu du Gouverneur Ismaïl la demande de protéger le ravitaillement du fort turc de Malaxa, sur la côte Sud de la baie de La Sude, répondent qu’ils ne sauraient protéger ce ravitaillement, mais que, si les troupes turques qui seront chargées de ravitailler ce fort sont attaquées par les insurgés du voisinage, elles pourront répliquer.
Il est bien entendu qu'elles ne doivent pas attaquer les premières.
Il résulte d'un rapport du Commandant du « Troude », venu par l'intermédiaire du « Barfleur » que les insurgés tirent journellement sur le fort de Kissamo Castelli, occupé par les Musulmans.
Les Amiraux décident qu'on donnera des ordres au Commandant du « Barfleur », Commandant Supérieur devant La Canée, pour que les navires en croisière fassent de fréquentes apparitions devant Kissamos pour démontrer aux insurgés que là, comme ailleurs, les Puissances s’opposent au mouvement en avant des Grecs. Les Commandants des bâtiments devront avoir, devant Kissamos, la même règle de conduite que sur les autres points de la côte.
À bord du « Sicilia », à La Sude, le 14 Mars 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral d’Autriche-Hongrie signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 25
Séance du 15 Mars 1897
La nouvelle est arrivée de Selino, qu’en l'absence de navires de l'escadre internationale, les insurgés, après le départ des Musulmans, ont complètement détruit ce village.
D'autre part, le « Re Umberto » est rentré de Kissamos confirmant la nouvelle que la garnison de cette place est journellement menacée par les insurgés.
Il résulte évidemment de ces faits que les insurgés et les troupes grecques ont pris trop à la lettre la proclamation du 24 Février, dans laquelle les Amiraux déclarent s’opposer à tout acte hostile commis en présence d'un de leurs bâtiments, en quelque point de l’île qu’il se produise.
Déjà, après avoir mis sous la protection des Puissances les villes de La Canée, de Rethymno, de Candie et de Sitia, les Amiraux ont été amenés à déclarer protégées : d'abord La Sude, puis Hierapetra et Selino Castelli.
Aujourd’hui, il faudrait signifier aux insurgés et particulièrement au Colonel Vassos, que les Puissances entendent s'opposer à toute attaque contre Kissamos. Pour lever toute espèce d'hésitation, les Amiraux décident qu’on enverra au Colonel Vassos, par un groupe d'officiers de nationalités différentes et précédés d'un pavillon parlementaire, la déclaration suivante, qui s’applique à toute la côte :
Les Amiraux et Commandants Supérieurs des forces navales internationales stationnées sur les côtes de l'île de Crète ont l'honneur de faire savoir à Monsieur le Commandant en chef de l'armée grecque, qu’en invitant les habitants de la Crète et les troupes grecques à s'abstenir de tout acte d'hostilité en présence de leurs navires, ils ne pouvaient supposer qu'on profiterait de l'absence momentanée d'un bâtiment des Puissances devant Selino, pour détruire complètement la ville.
Pour éviter tout malentendu, les Amiraux déclarent, aujourd’hui, qu’ils prennent sous leur protection tous les ports de l’île, sans s'inquiéter si ces ports sont habités par des Chrétiens ou par des Musulmans et sans qu'il soit besoin, pour cela, de maintenir des navires continuellement devant ces ports.
Ils ajoutent qu'il prendront des mesures pour réprimer toute offense faite hors la présence des navires. De plus, les bâtiments de la flotte internationale s'opposeront sur tous les points de la côte au mouvement des troupes grecques et à leur ravitaillement.
La présente déclaration sera communiquée à Monsieur le Commandant en chef de l'armée grecque ainsi qu'aux autorités ottomanes.
Le Commandant militaire à La Canée des troupes internationales, lorsqu'il pourra prévoir, de la part des Turcs, un mouvement de nature à être interprété par les insurgés comme une menace d’attaque, pourra, s’il le juge opportun, déléguer un parlementaire auprès des insurgés, pour leur faire savoir que ce mouvement n'a rien d'inquiétant ; il est possible qu'une précaution de ce genre puisse éviter l'effusion de sang. Le vice-Amiral Canevaro donnera des ordres dans ce sens au Commandant Amoretti.
À bord du « Maria Theresia », le 15 Mars 1897, à La Sude
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral d’Autriche-Hongrie signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 26
Séance du 16 Mars 1897
Les Amiraux décident, au début de la séance, que la déclaration qu'ils ont résolu, le 15, de faire au Commandant en chef des troupes helléniques sera portée au Colonel Vassos par le Chef d'état-major de l'Amiral italien et celui de l'Amiral français, ces deux officiers étant ceux qui ont suivi les conférences des Amiraux et sont les mieux au courant de leurs vues.
L'Amiral français communique à ses collègues le projet de proclamation que son Gouvernement a adressé au Consul Général de France pour, dans le cas où il recevrait l’approbation unanime, être distribué aux habitants de la Crète.
D'après les termes de ce projet, les six Gouvernements paraissent d'accord pour promettre au peuple crétois une complète autonomie sous la suzeraineté du Sultan.
Les Amiraux austro-hongrois, français, italien et russe approuvent, sans réserve, cette proclamation et se déclarent suffisamment autorisés pour la signer.
L'Amiral anglais va consulter son Gouvernement à propos des mots : sous la suzeraineté du Sultan.
Le Commandant allemand va demander des éclaircissements au sujet de la promesse d’autonomie.
En attendant l'assentiment définitif des deux derniers, on décide que les proclamations peuvent être imprimées pour être distribuées immédiatement après l'entente unanime.
Le Mutessarif de Candie, par l'intermédiaire du Gouverneur Ismaïl ,expose que l'Agent consulaire de Grèce a pu, jusqu’ici, adresser des dépêches chiffrées à son Gouvernement, et que cette faculté peut avoir de graves inconvénients.
On décide que les Agents consulaires de la Grèce, aussi bien à Candie que sur les autres points de l’île, ne pourront plus envoyer ni recevoir que des télégrammes en clair et que ces télégrammes passeront par le Mutessarif.
L'Amiral anglais, de qui dépend le Commandant Supérieur devant Candie, et qui, d’ailleurs, a le plus d'influence sur la compagnie anglaise du télégraphe, se chargera de donner des ordres dans ce sens à tous les intéressés.
À bord du « Sicilia », à La Sude, le 16 Mars 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral d’Autriche-Hongrie signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 27
Séance du 17 Mars 1897
Une erreur s'est glissée dans le procès-verbal de la séance du 13 Mars. Les Amiraux déclarent qu'il n'y a pas eu de demande de Consul pour faire rendre les armes aux Seliniotes.
Il a été décidé que dès que tous les Amiraux auraient reçu avis de l'envoi des troupes de leurs Puissances, il serait procédé à leur débarquement et ces troupes seraient réparties de la façon suivante :
La Canée
300 Italiens
300 Austro-hongrois
300 Allemands
300 Russes
200 Anglais
200 Français
La Sude 300 Allemands
Kissamo 300 Austro-hongrois
Rethymno 300 Russes
Candie 400 Anglais
Sitia-Spinalonga 400 Français
Hierapetra 300 Italiens
Cette répartition pourra, d’ailleurs, être modifiée suivant les circonstances. Le Commandant Amoretti conservera jusqu'à nouvel ordre le commandement de la garnison de La Canée et dépendra directement des Amiraux.
Les Commandants des bâtiments resteront Commandants Supérieurs des villes qu'ils occupent actuellement, et auront sous leurs ordres, la garnison de ces villes
Les garnisons seront chargés de la défense des villes dans un rayon approprié à leur situation géographique, et devront y maintenir l’ordre.
Les Amiraux décident le blocus de l'île de Candie à partir du 21/9 Mars à 8 heures du matin.
Ils le feront notifier par l'intermédiaire de leurs Ambassadeurs et Ministre à Constantinople et Athènes en les priant de faire prévenir les nations neutres.
Ce blocus sera général pour tous les navires grecs, mais les navires neutres ou des six Puissances pourront venir dans les ports occupés par les Puissances et seront autorisés à débarquer leurs marchandises, seulement si ces marchandises ne sont ni pour les troupes grecques, ni pour l'intérieur de l’île. Les Commandants Supérieurs des rades se réservent le droit de visiter les navires neutres ou amis.
Le Gouvernement grec sera en même temps invité à rappeler ses navires de guerre qui sont encore dans les eaux de la Crète.
Ils devront avoir quitté la Crète le 21 à 8 heures du matin, sous peine d'y être contraints par la force.
Le blocus sera de même notifié au Colonel Vassos et au Commandant Supérieur des navires grecs.
Les limites du blocus seront comprises entre les 23° 24’ et 26° 30’ de longitude Est, méridien de Greenwich, et les 35° 48’ et 34° 45’ de latitude Nord.
À bord de « L’Amiral Charner », à La Sude, le 17 Mars 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral d’Autriche-Hongrie signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro

L'Amiral Charner
N° 28
Séance du 18 Mars 1897
Dans la journée du 17, le navire austro-hongrois « Sebanico » ayant surpris aux environs du Cap Dhia, près de Candie, un schooner grec débarquant des vivres et des munitions, a voulu, en exécution de la détermination prise le 25 Février par les Amiraux, et suivant les ordres reçus du Commandant du « Rodney », s'opposer à ce débarquement.
À ses observations, il a été répondu, de terre, par des coups de fusil et d'un petit canon que possédaient les insurgés. Le navire grec, ayant essayé de continuer le débarquement, le « Sebanico » l’a coulé.
Les Amiraux ne peuvent qu'approuver le Commandant du « Sebanico ».
Les Officiers qui sont allés, le 17, porter au Colonel Vassos la communication qu'on avait décidée de lui faire dans la séance du 15, ont rapporté que le Colonel, s’il ne s’attribue pas la délivrance des Musulmans de Selino, prétend, au moins, que c'est grâce à son intervention qu’ils n'ont pas été massacrés.
Il est possible que pour obéir aux ordres reçus du Roi de Grèce, le Colonel ait envoyé un officier, comme il le dit, engager les Chrétiens à ne pas massacrer les Musulmans bloqués ; les Amiraux n'en ont d'autre preuve que le dire du Colonel ; ils savent au contraire, et leur procès-verbal du 7 Mars en fait foi, que le Colonel leur a offert son intervention dans une lettre reçue ce jour-là, mais avec des conditions telles qu’ils n’y ont pas répondu. D'ailleurs, les marins étaient déjà débarqués à Selino.
En ce qui concerne le retour(???) des Musulmans à Selino, le Colonel reproche aux navires d'avoir tiré le canon sur les insurgés sans provocation et d'avoir fait des victimes. Il résulte des rapports du Commandant Rainier et du Commandant Adam que, dans la matinée du 10, pendant que les Musulmans embarquaient, les marins ont essuyé une fusillade, à laquelle ils ont répondu, c'est alors qu'ils ont été soutenus par les navires. Les chefs insurgés ont bien prétendu que la provocation venait de quelques-uns des leurs, dont ils désapprouvaient la conduite, ils ont même fait des excuses, mais il faut bien convenir que les navires étaient dans leur rôle en défendant les marins attaqués.
N° 29 A
Séance du 19 Mars 1897
Les Capitaines des vapeurs « Laurium » et « Thésée », arrêtés par des navires de la flotte internationale, demandent à ne conserver à bord que les hommes indispensables à la sécurité de leurs navires, et à renvoyer les autres en Grèce. Cette autorisation leur est accordée.
Toute la séance est consacrée à la discussion des mesures à prendre :
pour assurer le blocus, dont la déclaration est déjà faite, pour contraindre les navires grecs à quitter les eaux de la Crète, pour établir des signaux de convention entre les navires…. etc.
On convient que toutes les déterminations prises feront l'objet d'un procès-verbal spécial.
À bord du « Sicilia », La Sude, le 19 Mars 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral d’Autriche-Hongrie signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 29 B
Séance du 19 Mars 1897 (soir)
Dans une réunion tenue l’après-midi à bord du cuirassé russe « Alexandre II », les Amiraux arrêtent d'une façon définitive :
1° Les dispositions à prendre pour l'éloignement des eaux crétoises des navires de guerre grecs.
2° Les dispositions pour assurer le blocus à partir du 21 Mars à 8 heures du matin.
Ces dispositions sont ici jointes.
À bord de « l’Alexandre II » à la Sude, le 19 Mars 1897
Signature des Amiraux

L'Alexandre II
N° 29 C
Les dispositions suivantes ont été arrêtées par les Amiraux pour le blocus de l'île de Crète qui sera effectif à partir du 21/9 Mars à 8 heures du matin.
Les Commandants Supérieurs dans les villes du littoral seront chargés de faire le blocus dans leur point de stationnement dans les limites indiquées ci-dessous.
Baie de Kissamos et côte Ouest jusqu'à Elepharisi - Commandant Supérieur à KIssamos (austro-hongrois)
Baie de La Canée du Cap Spada au Cap Maleka - Commandant Supérieur dans la baie de La Canée (Officier le plus ancien de la rade de La Canée)
Du Cap Maleka au Cap Dhia - Commandant Supérieur à Rethymno (russe)
Du Cap Dhia au Cap Spinalonga - Commandant Supérieur à Candie (anglais)
Du Cap Spinalonga au Cap Plaka - Commandant Supérieur à Sitia (français)
Du Cap Plaka au récif de Kayoleri - Commandant Supérieur à Hierapetra (italien)

Carte allemande ou autrichienne du blocus
Le blocus sera fait par les navires que les Commandants Supérieurs ont actuellement à leur disposition, auxquels il sera adjoint un destroyer ou torpilleur.
Les Commandants Supérieurs prendront telle mesure qu’ils jugeront convenable pour assurer la surveillance : en principe les torpilleurs devront faire pendant le jour des rondes dans les baies de leur arrondissement. Pendant la nuit ils feront appareiller un des navires, sans que ce soit cependant obligatoire, car il est parfaitement inutile de croiser lorsque les circonstances de temps empêchent le débarquement à la côte.
Dans la partie Sud de l'île où il n'y a pas de navire en permanence, le blocus sera effectué par deux navires de nationalités différentes, l’un ayant la surveillance entre les récifs de Kayoleri et la pointe Kavo-Melissa, l'autre entre cette dernière pointe et Elepharisi à l'Ouest.
Ces navires ne seront pas tenus d'être constamment en marche, ils pourront mouiller sur la côte.
Ils seront remplacés tous les quatre jours et recevront les ordres directs de leurs Amiraux respectifs.
La Marine allemande n'étant représentée que par une seule unité, ne pourra prendre part au blocus d'une manière continue, mais le Commandant de la « Kaiserin Augusta » participera de temps en temps à la croisière de nuit, soit dans le golfe de La Canée, soit du Cap Maleka au Cap Dhia, points les plus voisins de son poste de stationnement avec les Amiraux.
De plus, un cuirassé qui sera désigné chaque jour, appareillera de la baie de La Sude à 6 heures du soir, il longera la côte à la distance de 3 ou 4 milles jusqu'au Cap Sidero et reviendra à La Sude en suivant la même route en sens contraire.
Pendant les premiers soirs du blocus, les torpilleurs et les navires désignés pour faire la croisière dans le Sud seront chargés de répandre la proclamation des Amiraux.
Les embarcations qui seront envoyées à terre pour y porter la proclamation devront avoir le pavillon parlementaire.
La Sude le 19/7 Mars 1897
Signature des Amiraux
Dispositions à prendre pour l'éloignement en dehors des limites du blocus des bâtiments de guerre grecs
Dimanche matin au jour, les Commandants Supérieurs feront connaître à leurs Amiraux s’il se trouve des bâtiments de guerre grecs dans leur arrondissement.
S’il s’en trouve, une division composée d'un navire de chaque nationalité sera chargée d'aller inviter ces navires à se retirer.
Elle sera placée sous le commandement de l'Officier le plus élevé en grade.
Les bâtiments viendront se placer autant que possible dans une situation telle que s'ils sont obligés de tirer, les projectiles ne puissent atteindre la terre.
L'invitation d'avoir à s'éloigner sera portée aux bâtiments grecs par un officier d'un navire que le sort aura désigné.
Cet officier invitera le Commandant Supérieur grec à appareiller de suite, ou dans le temps qui leur est nécessaire pour avoir de la pression, et avertira que si une demi-heure après ce moment il n'est pas en marche, les six navires des Puissances ouvriront le feu sur lui.
Le feu sera ouvert par les six bâtiments quand le Commandant Supérieur amènera le signal d’exécution. Il ne sera tiré qu'un seul coup par navire, dirigé de façon à passer au-dessus du navire, puis le feu cessera sans signal.
Un quart d'heure après, si le navire n'a pas bougé ou s’il n'a pas hissé pavillon parlementaire, un second coup sera tiré par les six bâtiments, toujours au signal du Commandant Supérieur, mais pointé de manière à passer tout près du navire grec.
Enfin, un quart d’heure après et toujours dans les mêmes conditions, un troisième coup sera tiré, pointé cette fois dans la mâture du bâtiment, et le feu sera continué jusqu'à ce que le bâtiment ait mis le pavillon parlementaire, ou se soit enfin décidé à appareiller.
Il ne sera fait usage que de projectiles pleins, toutefois si les bâtiments grecs répondent, il sera tiré des obus et le feu sera dirigé de la façon la plus efficace pour les réduire le plus promptement possible.
Dans ce cas, le feu cessera au signal du Commandant Supérieur.
Quant aux navires grecs qui, ayant déjà quitté les eaux de la Crète, ou qui y venant pour la première fois, chercheraient à forcer le blocus, ils seront traités de suite en ennemis par les navires de la flotte internationale qui les rencontreront.
À partir du 21/9 les torpilleurs grecs rencontrés dans ces mêmes limites seront repoussés par le canon dès qu’ils seront à portée.
La Sude le 19/7 Mars 1897
Signature des Amiraux
N° 30
Séance du 20 Mars 1897
Les Amiraux arrêtent la règle de conduite commune qui devra être suivie par les navires rencontrant des bâtiments grecs ou neutres en dedans de la limite du blocus.
Ils conviennent, en même temps, des signaux que feront les bâtiments des six Puissances pour se reconnaître entre eux et se demander assistance.
Cette règle de conduite et ces signaux, qui sont annexés au procès-verbal de la séance seront distribués à tous les Commandants en même temps que les dispositions arrêtées le 19 pour éloigner les navires de guerre grecs et pour assurer le blocus autour de l’île.
On désigne les deux navires qui seront chargés du blocus dans le Sud de l'île pendant les 4 premiers jours ; ce seront le « Forbin » entre Koloyeri et Kavo-Melissa, le « Caprera » entre Kavo-Melissa et Elephonisi.

Le Forbin
Le cuirassé chargé d'aller dans la nuit de La Sude au Cap Sidero et retour appareillera quand besoin sera, sur la demande du doyen des Amiraux ; ce cuirassé sera fourni le 21,22, 23 par l’Amiral anglais, les 4 jours suivants par l'Amiral italien, les 4 jours suivants par l'Amiral russe, puis par l'Amiral français, et ainsi de suite.
Les Amiraux ont reçu une lettre des chefs musulmans les informant que les Chrétiens brûlent leurs oliviers et demandant leur protection ; les Amiraux ne peuvent que recommander aux Commandants des navires d'inviter les Chrétiens à s'abstenir de commettre pareilles fautes, les Musulmans étant sur ce point à l'abri de tout soupçon, puisqu’ils sont aujourd'hui tous dans les villes.
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
Les pavillons des Puissances sur le fort à La Canée
N° 31
Séance du 21 Mars 1897
L'Amiral Canevaro fait connaître à ses collègues que la notification du blocus de l'île a été remise au Colonel Vassos, qui en a accusé réception.
Le même Amiral a reçu, ce matin même, à son bord, des chefs insurgés de la côte Sud de la baie, auxquels il a donné une centaine de proclamations. Ces chefs ont promis à l'Amiral de les distribuer consciencieusement, mais ils n'ont pas caché que l'autonomie n'avait aucune chance de succès. L'annexion ou la mort et ils ne sortent pas de là.
Les Amiraux estiment qu'à l'heure actuelle, tous les Musulmans étant à l'abri des six pavillons, dans les villes, et les Chrétiens se trouvant tous à l’intérieur, ils sont impuissants à faire davantage pour la pacification de l’île ; toutefois, dans un pays où la famine menace et où l'autorité est absolument méconnue, où personne ne rend la justice, et où les crimes restent impunis, il est urgent de créer, le plus tôt possible, l'administration et d'envoyer dans l'île un Gouverneur Général et des fonctionnaires choisis avec l'accord commun des Gouvernements. C'est en ce sens que sera rédigée une dépêche identique où les Amiraux feront remarquer qu’ils n'ont ni le temps, ni les pouvoirs, ni, surtout, la compétence nécessaire, pour fonder le régime nouveau.
Dans la même dépêche, on fera remarquer qu'il serait nécessaire d'imposer au Sultan le retrait graduel des troupes turques, au fur et à mesure de l'arrivée des forces internationales, pour montrer aux Crétois que la promesse d'autonomie est très sérieuse.
On convient, enfin, pour éviter toute espèce d'hostilité des troupes turques contre les troupes internationales venant occuper les villes du littoral, que chaque Amiral priera son Ambassadeur à Constantinople de provoquer des ordres que le Sultan enverrait au Gouverneur Ismaïl, lui adjoignant de laisser descendre les troupes partout où besoin sera, dans les mêmes conditions qu'elles sont descendues à La Canée.
À bord du « Sicilia », à La Sude, le 21 Mars 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral d’Autriche-Hongrie signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 32 A
Séance du 23 Mars1897
La rédaction suivante est adoptée pour la dépêche identique dont l’envoi a été convenu la veille et que chaque Amiral va envoyer à son Gouvernement :
Les Amiraux constatent chaque jour, que, soit impuissance, soit inertie, les autorités ottomanes sont incapables d’administrer. Les vols, les pillages augmentent, la famine est imminente, et il n'est pris aucune mesure sérieuse pour y remédier.
Les Amiraux ont le pouvoir de défendre les villes occupées et d'y maintenir l’ordre mais ils se trouvent incompétents pour se substituer à administration ottomane.
En conséquence, ils demandent que les Puissances envoient le plus tôt possible un Gouverneur Général européen avec pleins pouvoirs et fonctionnaires nécessaires.
Ils demandent aussi que La Porte soit invitée à retirer graduellement ses troupes à mesure que les Amiraux le jugeront à propos.
L’arrivée d’un Gouverneur Général et le retrait des troupes turques sont les deux actes qui montreront le mieux aux Crétois la ferme volonté de l'Europe d'établir sans retard le Gouvernement autonome.
Il sera sans doute nécessaire déclarer état de siège dans villes occupées si situation se prolonge.
Les insurgés qui sont aux environs des villes empêchent le ravitaillement des troupes turques qui occupent les blockhouses. Au-dessus de La Sude en particulier le blockhouse de Malaxa est dans ce cas, et sa garnison turque est menacée de mourir de faim. Il en est de même à Kissamos.
Les tentatives de ravitaillement amènent des fusillades dont les Amiraux sont les témoins depuis plusieurs jours – en ce qui concerne Malaxa –.
Or, il est absolument nécessaire qu'autour des villes occupées par les troupes internationales, les blockhouses ne tombent pas entre les mains des insurgés, et les Amiraux décident, pour la propre sécurité de leurs troupes, qu’on fera parvenir aux chefs de l'insurrection la lettre suivante dont deux exemplaires sont signés, séance tenante, pour être envoyés immédiatement et d'urgence, aux chefs insurgés des environs de Malaxa.
L'Amiral anglais se charge de l’envoi ces deux lettres.
Lettre envoyée aux insurgés :
Les Amiraux estiment que pour la sécurité des troupes internationales qui sont à terre dans les villes du littoral, ou qui pourraient être mises à terre à Kissamos, à La Sude, à Rethymno, à Candie et à Hierapetra, il est absolument nécessaire que les blockhouses actuellement en possession des Turcs autour de ces villes ne tombent pas entre les mains des Grecs.
En conséquence, ils intiment aux insurgés l'ordre formel de laisser les block-housses se ravitailler. Les Amiraux, si cette sommation n'est pas entendue, seront dans l'obligation de prendre des mesures de rigueur.

23 Mars 1897 - Débarquement des troupes françaises
N° 33 A
Séance du 24 Mars 1897
Dans la déclaration de blocus rédigée en anglais et signée le 23 Mars à bord du « Maria-Theresia », les Amiraux décident d’ajouter les deux mots « or ship » après ceux « allowed to land », ligne n° 8.
On décide aussi que pour faciliter les transmissions d’ordres entre le Capitaine de vaisseau Amoretti de la Marine italienne, Commandant militaire à La Canée, chaque nation mettra à sa disposition un officier pour constituer auprès de lui un État-major.
Les Amiraux estiment que cet officier supérieur qui commande la place depuis plus d’un mois doit être maintenu à ce poste le plus longtemps possible, mais que, si les circonstances appelaient à le remplacer, il devrait l'être par un Général italien.
Les Amiraux décident ensuite d'adresser aux troupes internationales la proclamation suivante, dont chacun d'eux adressera une traduction aux Commandants des détachements de sa nation et dans sa langue.

Débarquement des Marines anglais à La Canée
Proclamation aux troupes :
Commandants, officiers, soldats et matelots !
Les Amiraux et Commandants Supérieurs des forces navales d’Allemagne, d’Angleterre, d'Autriche-Hongrie, de France, d’Italie et de Russie, dans les eaux de la Crète, vous souhaitent la bienvenue !
Ils comptent sur vous pour assurer l’ordre et pour défendre les places qui ont été mises sous la protection des grandes Puissances d'Europe !
La civilisation et la discipline que vous représentez, l'esprit de franche camaraderie entre militaires qui est le propre de votre éducation, vous inspireront toujours cette amitié et cet appui réciproque qui, en cette occasion, doubleront votre force !
Votre conduite doit servir d'exemple au malheureux peuple crétois, que nos Gouvernements nous chargent de protéger et de sauver, le plus tôt possible, des horreurs d'une cruelle guerre civile.
La tâche qui nous est imposée est difficile, souvent même pénible, mais nous comptons sur vous pour l’accomplir, pour le bien de l'humanité et pour l'honneur de nos pavillons !
N° 34
Séance du 25 Mars 1897 (matin)
L'Amiral austro-hongrois rend compte que le « Satellit » a ramené à La Sude, le 24, le vapeur « Kerra » portant pavillon grec et le caïque de la même nationalité.
L’un et l’autre ont été pris en dedans de la limite du blocus. Le premier, qui portait comme passager notable Monsieur De Roma, député au Parlement grec et ancien vice-président de cette assemblée, et Monsieur Romanos, aussi député et ancien chargé d’affaires de Grèce à Londres, a été arrêté le 21 à 8h50 du matin, il avait débarqué des vivres à Suïa du 20 au 21, et était reparti sans avoir pu terminer son déchargement, à cause du mauvais temps, et de l’heure, connue par lui, du commencement du blocus.
Il avait 20 bateliers du Pirée et leurs embarcations pour faciliter son déchargement.
Le second a été arrêté à Grabuja le 25 ayant débarqué en Crète un chargement de vivres et allait, prétend-il, à Volo, où il portait 9 réfugiés crétois. Il était entré à Grabuja à cause du mauvais temps.
Les Amiraux conservent ces deux bâtiments à La Sude avec le personnel nécessaire à leur sécurité et le « Satellit » conduira à Milo, sur leur demande, les passagers et les hommes inutiles de l’équipage.
La garde de ces navires du commerce oblige les bâtiments de guerre à nourrir leurs équipages ; il est convenu que comme ils possèdent tous certains vivres, on compensera, par une valeur égale des vivres qu’ils ont, la valeur de ceux qu'on est obligé de leur fournir (on s'entendra avec les capitaines à ce sujet).
Le Commandant du « Satellit » a appris par les passagers capturés que si l'armée grecque est approvisionnée, les insurgés, en revanche, manquent de vivres.
Le croiseur italien « Caprera » a pris sur la côte Sud et dans des conditions analogues, deux caïques qu’il ne pourra ramener à La Sude qu'après avoir été remplacé à son poste.
Son Commandant fait savoir que deux autres bateaux grecs seraient attendus, apportant des vivres dans cette région. Il ajoute que, comme le débarquement est assez facile, il serait utile d'avoir deux bâtiments pour surveiller la côte entre Elaphonisi et Kavo Melissa, on décide que l'Amiral anglais enverra ce 3ème navire.
Le Commandant du « Caprera » prétend que partout où il y a des officiers grecs pour influencer les Crétois, on ne veut que l’annexion, mais ailleurs on consentirait à l’autonomie.
Depuis 48 heures le chemin de la Sude à La Canée n’est plus sûr.
Les insurgés, pour empêcher le ravitaillement du fort de Malaxa, dont la garnison manque de vivres, tirent dans toutes les directions ; l’arsenal est menacé, les convois de vivres des bâtiments risquent d'être pillés et les conducteurs, qui ont vu blesser, déjà, une de leurs mules, courent les plus grands dangers et refusent de continuer leur service ; il est nécessaire que cette situation prenne fin.
La sécurité des Européens ne peut être établie qu’en conservant aux Turcs la possession du blockhouse de Malaxa.
Ce résultat est possible en leur facilitant les moyens de se ravitailler.
Or, l'appel des Amiraux (séance du 25 mars??) n'a pas été entendu par les insurgés ; la fusillade qui dure depuis 48 heures n’a d'autre but que d’empêcher ce ravitaillement, et il ne reste plus d'autre ressource que celle qui a réussi à Akrotiri le 21 Février, et a arrêté le feu des insurgés sans faire de victimes.
Il est donc décidé que le lendemain on tirera quelques projectiles sur la colline, pour faire reculer les insurgés et permettre le ravitaillement du fort.
Les Amiraux ont souhaité, hier, la bienvenue aux troupes ; ils estiment que les marins qui vont rentrer définitivement sur leurs navires méritent des remerciements pour la façon dont ils se sont acquittés de leurs devoirs, et ils leur adressent leurs félicitations dans les termes suivants :
voir la proclamation jointe ?????????? manque ??????
N° 34 B
Séance du 25 Mars 1897 (soir)
À peine les Amiraux s’étaient-ils séparés, qu'on entendait une fusillade générale sur les hauteurs d'Akrotiri, sur celles de La Sude et sur la route de La Canée ; la crête à Malaxa était visiblement acquise aux insurgés.

Prise de Malaxa par les insurgés
En même temps, le Commodore turc de La Sude faisait savoir au doyen des Amiraux que le blockhouse était tombé aux mains des insurgés. 18 soldats avaient réussi à se sauver à La Canée, les autres auraient été massacrés.
De nouveau réunis à 2h30 du soir, les Amiraux ont décidé d'ouvrir le feu sur le blockhouse et le corps de garde de Malaxa, pour déloger les insurgés et permettre à la troupe de reprendre possession du blockhouse.
Le feu doit commencer à 5 heures, au signal du Vice-Amiral et durer quelques minutes.
À bord du « Sicilia », à La Sude, le 25 Mars 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 35
Séance du 26 Mars 1897
Le tir convenu la veille a été exécuté immédiatement à 5 heures de l'après-midi et a duré 9 minutes.
Il a été tiré 81 coups de canons de divers calibres, à peu près également répartis par nation.
Les insurgés ont incendié le blockhouse de Maxala dès le début du tir et sont venus ré-alimenter le feu après le tir. La fusillade a cessé de suite.

Tir des navires sur Malaxa
Les troupes turques, de l'aveu de leur Général, sont complètement découragées et déclarent n'avoir plus le pouvoir ni la volonté de reprendre le blockhouse, même avec l'aide des navires.
Le Commandant militaire international à La Canée confirme ce découragement des Turcs, qui, à son avis, sentent qu'ils n'ont plus qu’à abandonner l’île.
Les Amiraux pourraient, sans doute, prendre le blockhouse et l’occuper avec des troupes, mais outre que ce blockhouse est en partie démoli et n’a plus guère de valeur militaire, on s'exposerait, pour le prendre, à perdre du monde et il est de première importance que ceux qui sont venus pour éviter l'effusion de sang ne fournissent aucune occasion de le faire couler.
Il est pourtant inadmissible que les Amiraux voient flotter le pavillon grec sur ce blockhouse, qu'ils ont défendu aux insurgés de prendre ; leur devoir est de faire amener ce pavillon et ils n'ont pour cela qu'un moyen. On recommencera, à 2 heures du soir, à tirer jusqu’à ce que le pavillon soit amené et les Amiraux se réservent de faire tirer de nouveau sur le blockhouse si la présence des insurgés le rend dangereux pour les Européens.
Les insurgés, étant maintenant maîtres des crêtes au-dessus de La Sude, vont pouvoir descendre jusqu'à l'arsenal et à la route de La Canée ; les Musulmans qui habitent Touzla ont peur d’être massacrés et demandent d’être protégés.
On décide d'écrire au Général turc pour l’inviter à faire occuper par des troupes le village de Chicolaria pour protéger la route.
Il est à craindre, pourtant, que la présence des Turcs dans ce village placé entre les insurgés et la route, n'attire, justement dans la direction de cette route les balles des insurgés, mais les Amiraux espèrent encore maintenir les insurgés au-delà des crêtes, en tirant le canon sur tous les groupes qui en descendront, à quelque moment qu'ils se présentent.
À bord du « Trinacria », à La Sude, le 26 Mars 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 36
Séance du 27 Mars 1897
Le tir décidé dans la matinée de la veille a été exécuté à 2 heures de l'après-midi sur le blockhouse de Malaxa et le corps de garde, chaque nation tirant à son tour un coup de canon ; le nombre des coups tirés a été de 21.
Il ne s'est pas produit de nouvelles fusillades en vue des navires jusqu'à la séance d’aujourd’hui.
Le Gouverneur Ismaïl a écrit au Commandant Amoretti une lettre dans laquelle il implore le secours des Amiraux. Sa lettre est d'une exactitude irréprochable ; il fait remarquer que les Amiraux n’ont pas voulu l’autoriser à dégarnir Candie pour renforcer les avant-postes de La Canée, que tous les jours ces avant-postes sont attaqués par les insurgés, que les blockhouses de Malaxa et de Kiriaki ont déjà été détruits par eux, que celui de Periviola va tomber en leur pouvoir, et que la protection des Puissances ne s’affirme nullement.
Ismaïl insiste sur l'importance du fortin de Periviola, qui commande les sources alimentant La Canée ; la possession de ce fortin par les insurgés leur donnerait en effet le moyen de priver la ville d’eau, ou, tout au moins, d'empoisonner les sources.
Les Amiraux vont autoriser Ismaïl-Bey à faire venir de Candie un bataillon pour La Canée ; mais comme les Turcs sont absolument démoralisés et incapables de rien faire, désormais, sans l’appui des troupes européennes, la garnison de Periviola comprendra des pelotons européens de nationalités différentes et dont les pavillons flotteront sur le fortin. Les troupes auront l'ordre de tirer sur quiconque s'approchera à portée.
La route de La Canée sera protégée par un peloton anglais à son extrémité Ouest et par un peloton des troupes autrichiennes de la Sude à son extrémité Est. Les navires pourront concourir à cette défense.
L'attitude trop bienveillante des grandes Puissances a rendu les insurgés fort audacieux, en même temps qu'elle a enlevé aux Turcs toute énergie ; la situation est arrivée à une gravité exceptionnelle et on peut prévoir que bientôt les Européens vont se trouver seuls en face des insurgés. C'est l'avis unanime des Amiraux qu'il est grand temps d'en informer les Gouvernements,
et d'affirmer qu'il ne leur paraît pas possible d'arriver à une solution tant que les troupes grecques seront dans l’île. Il faut absolument les en chasser et abandonner les demi-mesures ; il faut forcer le Colonel Vassos à se ré-embarquer, soit en le repoussant directement, soit en allant faire le blocus du Pirée.
En tous les cas, il faut traiter les insurgés en ennemis et ne pas laisser ignorer aux Gouvernements que, ne pouvant compter sur les troupes turques, il y a lieu de s'attendre à des demandes de renforts, et de quelques pièces d'artillerie.
Chacun des Amiraux doit télégraphier dans ce sens, et on prendra demain une détermination ferme.
À Sitia, les réfugiés musulmans sont menacés de la famine ; la plupart d'entre eux ont depuis longtemps demandé à être portés sur un autre point de l'Empire turc, mais le Gouverneur prétend n'avoir pas reçu du Sultan l’approbation qu'il a sollicitée, et refuse son autorisation.
Chacun des Amiraux va télégraphier à son Ambassadeur à Constantinople pour que l'ordre soit enfin donné de laisser partir les gens qui désirent quitter le pays.
À bord du « Trinacria », à La Sude, le 27 Mars 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral d’Autriche-Hongrie signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro

Le Trinacria
N° 37
Séance du 28 Mars 1897
Le Commandant militaire à La Canée, pour assurer la protection de Periviola, d’où partent les sources alimentant la ville et pour la sécurité de la route entre la Sude et La Canée, propose aux Amiraux :
1° De renforcer la garnison turque du fortin de Soubachi, qui commande Periviola, par une demi-compagnie de français, une demi-compagnie d’italiens, et un peloton de russes, sous les ordres d’un capitaine français.
Le fort possède un canon turc et 80 hommes : on y enverrait 2 canons de débarquement des navires (italien-anglais-russe). La position de Soubachi domine la ville dans le Sud Sud-Ouest et un navire mouillé à l'Est de l’île Theodoro pourrait, au besoin, protéger le fort.

Fort de Soubachi
Canon de débarquement français de 65mm
2° De mettre des détachements européens aux deux extrémités de la route de La Canée, qui se trouverait défendue à l'Ouest par un détachement des Anglais casernés à La Canée ; à l'Est par un détachement des Autrichiens qu'on attend et qui doivent occuper La Sude.
Ces propositions sont approuvées à l’unanimité, et l'Amiral Canevaro donne immédiatement des ordres au Commandant Amoretti.
Le fortin d’Izzedin, placé au Sud de l’entrée de la baie, est encore occupé par les Turcs, qui viennent, même, de renforcer la garnison, mais il est complètement cerné par les insurgés, qui l'ont attaqué dans la nuit du 27 au 28. Il est important que cette position ne tombe pas entre les mains des insurgés ; elle commande l'entrée de la baie de La Sude, dans laquelle sont les navires et ces derniers se trouveraient, par cela même, sinon menacés, au moins exposés à être insultés.
Les combats du fort d'Izzedin observés à bord du "Revenge"
Pendant cette nuit du 27 aux 28, le « Bausan » (italien) et « l’Ardent » (anglais) ont été envoyés pour soutenir la frégate turque qui protège le fort de son artillerie ; les bâtiments ont éclairé, toute la nuit, les collines voisines et on ne se départira pas de cette surveillance jusqu'à nouvel avis. Les Amiraux enverront chacun à leur tour des navires, pour remplir le rôle commencé par le « Bausan » et « l’Ardent ».
L'Ardent
Les Amiraux, qui avaient déjà, à la suite de leur séance du 5 Mars proposé le blocus du Pirée, estiment, aujourd’hui, qu’il faut absolument le faire et qu'on ne sortira que par ce moyen d'une situation excessivement grave. L'influence des Puissances sur les insurgés est tout à fait nulle, on a montré trop de faiblesse et il est grand temps de remplacer les proclamations inoffensives, par des actes de rigueur. Il est décidé que chacun des Amiraux enverra à son Gouvernement la dépêche qui suit :
La situation s'aggrave chaque jour, les Amiraux estiment que le temps des demi-mesures est passé et ils décident à l'unanimité de demander à leurs Gouvernements de déclarer le blocus du golfe d'Athènes avec toutes les conséquences de guerre qu'il entraîne.
En première ligne, ils rechercheront les navires de guerre grecs pour les faire rentrer au Pirée, ou à Salamine, les y contraignant par la force s'ils ne veulent pas y aller de bonne volonté. Alors seulement le blocus pourra devenir un blocus pacifique.
À bord du « Trinicria", à La Sude, le 28 Mars1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 38
Séance du 29 Mars 1897
Il est donné communication aux Amiraux, d’une lettre écrite par le Gouverneur Ismaïl au Commandant Amoretti et dans laquelle il attribue la perte du fort de Malaxa au refus qui lui a été fait par les Amiraux de faire venir un bataillon de Candie ; il ajoute, même, que depuis que les Amiraux ont promis de faire leurs efforts pour éviter l'effusion du sang, il n'y a plus que le sang des Turcs qui soit versé.
Les Amiraux chargent le Vice-Amiral Président, d’écrire en leur nom au Gouverneur pour lui rappeler que lui-même, deux jours avant la prise de Malaxa, est allé encourager le Général turc à ravitailler le fort et l'engageant même à faire cette opération de jour pour que les navires puissent protéger le ravitaillement.
Il n'a été aucunement tenu compte de ce conseil et le ravitaillement a été tenté de nuit. C'est probablement la cause de l’insuccès.
En ce qui concerne le sang versé, Ismaïl pourrait se rappeler la délivrance des Musulmans de Rokakis, de Paraspori, de Sitia et de Kandamos, due toute entière aux marins des flottes internationales et il est à supposer que la lettre qu'il a écrite a trahi sa pensée.
Les Amiraux, sur la demande du Commandant Supérieur devant La Canée, décident qu'il y a lieu d'augmenter d'une unité le nombre des navires mouillés devant la ville, afin d’en pouvoir mettre un dans l’Est de l’île Theodoro pour la protection du fort de Soubachi.
On convient aussi qu'en cas d'arrivée sur rade d’un navire suspect non escorté d'un navire de guerre, c'est au Commandant Supérieur de la rade qu'il appartient de le faire visiter.
Pour répartir, le mieux possible, la surveillance de nuit, on convient que les bâtiments amiraux autrichien, français et russe, mouillés dans l'Ouest de la baie, auront, chacun à leur tour, un projecteur prêt à fonctionner, et une pièce prête à tirer, la colline sera éclairée pendant quelques minutes, au moins toutes les heures.
Dans l'Est de la baie, les navires italien, anglais et allemand surveilleront de la même façon l'entrée du golfe et enverraient un canot à vapeur reconnaître les barques qu’ils pourraient découvrir.
Les obligations nouvelles, qui augmentent de jour en jour par suite de la démoralisation des troupes turques et de l'audace croissante des insurgés décident les Amiraux à envoyer à leurs Gouvernements la dépêche identique suivante :
Ne pouvant plus compter en rien sur les troupes turques, et étant amenés, pour notre propre sécurité, à occuper successivement les positions défendant la ville, les Amiraux jugent indispensable l’envoi d’un nouveau bataillon et d’une section de montagne.
À bord du « Revenge », à La Sude, le 29 Mars1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 39
Séance du 30 Mars 1897
Les insurgés d'Akrotiri auxquels l'Amiral Canevaro avait remis la proclamation des Amiraux qu’ils s'étaient chargés de répandre parmi leurs coreligionnaires de l’île, rapportent de l’Apokorona un cahier couvert de signatures, dans lequel les insurgés de cette province affirment qu'ils n'accepteront que l’annexion.
Une déclaration semblable a été reçue de Hierapetra.
Les Amiraux anglais et austro-hongrois font savoir que leurs navires « Stéphanie » et « Rodney », chargés d'assurer le ravitaillement du fort de Kissamo Castelli et des deux blockhouses qui en dépendent, ont été dans l'obligation de tirer quelques coups de canon pour éloigner les insurgés, qui cernaient le fort et s'opposaient à ce ravitaillement.
Dans l'engagement entre Grecs et tTurcs, que ces coups de canon ont fait cesser, 7 Turcs et un nombre à peu près égal de Crétois ont été tués ou blessés, d'après le rapport des Commandants.
L'Amiral austro-hongrois fait savoir que le caïque ramené la veille à La Sude par le « Satellit » a été pris au moment où il venait de débarquer des vivres destinés aux insurgés. Ce petit navire, monté par des Crétois sujets ottomans, avait navigué avec pavillon turc jusqu'au moment où, près de la terre, et en l'absence de navires de guerre, il s’était fait reconnaître des insurgés en hissant le pavillon grec.

Le Satellit
On décide, à cette occasion, que les navires rencontrés sous pavillon turc, ne pourront aborder l'île qu’en des points occupés par une fraction des flottes internationales.
Il est admis, en principe, que le fort d’Izzedin, dont il a été parlé le 28 Mars, sera occupé par quelques marins des diverses nations et que les six pavillons des Puissances y flotteront. L'Amiral austro-hongrois proposera, à la séance de demain, une répartition du personnel après l'étude qu'il doit faire faire aujourd'hui même.
Le Major anglais Bor, auquel la Turquie a conféré le grade de Colonel, serait nommé Commandant de ce fort, si la présence d'un grand nombre de Turcs à côté de quelques Européens seulement devait présenter quelques difficultés pour le commandement.
L'Amiral russe fait connaître qu’il y a eu à Rethymno, échange de coups de feu entre des Turcs et des Crétois, ces derniers étant porteurs du pavillon de parlementaire.
Le Commandant Supérieur devant Rethymno sera chargé de faire une enquête à la suite de laquelle ils adresseront des observations, soit à ceux qui ont abusé du pavillon de parlementaire, soit à ceux qui l'ont méconnu.
Il est important de conserver son prestige au pavillon blanc.
À propos de ces troubles à Rethymno, l'Amiral russe fait remarquer que les 80 monténégrins provenant de la nouvelle gendarmerie licenciée ont été laissés à sa disposition par son Gouvernement, mais sont tous à La Canée ; il demande à en prendre 40 pour faire la police à Rethymno où il a le commandement. Les Amiraux reconnaissent la légitimité de cette demande.
La route de La Sude à La Canée étant désormais protégée par les Anglais et les Austro-hongrois, et devant l'être encore mieux par l'établissement de deux canons sur un point à choisir, les promenades quotidiennes des compagnies de débarquement des navires ne se feront plus à compter du 31 Mars qu'au gré des Commandants.
Anglais et Français gardant la route La Canée-La Sude
Au contraire, on va donner des ordres au Commandant Amoretti pour que la garnison de La Canée fasse, par fraction, quelques promenades autour de la ville, en dedans des avant-postes turcs, pour apprendre à connaître les environs de La Canée, pour montrer les pavillons des nations, pour relever le moral des Turcs et aussi dans un but hygiénique.
Ces troupes par la même occasion protégeront les propriétés contre les pillages des bachi-bouzouks.
Sur la demande de l'Amiral français, la barque grecque « Georgion » sera autorisée à débarquer à La Canée 300 tonnes de grignons, qu'elle a chargées à Smyrne, avant le blocus, à l'adresse d'un négociant français.
D'ailleurs, cette barque ne contient rien de suspect et sera surveillée par le Commandant Supérieur devant La Canée. Elle repartira aussitôt après son déchargement.
À bord du « Nicolas 1er », à La Sude, le 30 Mars 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 40
Séance du 31 Mars 1897
Les insurgés ont attaqué, dans la soirée du 30 Mars, le blockhouse qui domine le fort Izzedin et ont pu être éloignés par le canon des navires. Les pavillons des Puissances qu’on comptaient arborer sur le fort, ne pouvant être gardés que par un très petit nombre d’hommes, ne peuvent y être plantés que pendant une période calme, et le moment ne paraît pas favorable pour le faire, le but des Amiraux étant d'inspirer le respect aux insurgés et non de les provoquer.
À l'heure actuelle, les Turcs ayant pu s'avancer vers l'intérieur de quelques centaines de mètres, dominent la vallée dans laquelle sont les insurgés et leur situation s'est considérablement améliorée. On se bornera donc à mouiller quelques navires sous le fort Izzedin, où ils auront pour mission de tirer sur tous les insurgés qui feraient mine de s'approcher du blockhouse.
Pendant la nuit, les navires s’aideront de leurs projecteurs électriques pour surveiller les alentours du blockhouse.
L'Amiral turc sera mis au courant de cette détermination des Amiraux, et invité à participer à la défense en fournissant lui-même un navire. On l’invitera à recommander aux Turcs de bien indiquer leurs positions par de grands pavillons, pour éviter, de la part des navires, toute espèce de méprise.
L'Amiral austro-hongrois va faire établir une compagnie dans le Nord de la route de La Sude à La Canée, à égale distance du poste anglais et de la caserne austro-hongroise qui sont aux deux extrémités de cette route.
De ce point, qui domine la route, il sera facile de la défendre. On enverra deux pièces de petit calibre (1 austro-hongroise, 1 italienne) à ce nouveau poste.
L'Amiral anglais fera installer, au même endroit, un système de signaux qui permettra de communiquer entre les deux rades sans le secours du télégraphe.
Les insurgés de l'Akrotiri ont demandé aux Amiraux à transporter des moutons dans l’Apokorona. Les Amiraux ne peuvent accorder cette permission qui serait contraire aux règles du blocus. La réponse eût été toute différente si les habitants de l’île et en particulier ceux de l’Apokorona avaient entendu les conseils pacifiques des Amiraux.
À bord du « Trinacria », à La Sude, le 31 Mars 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro